Voici la teneur du projet proposé par deux enseignantes (professeur de français certifiée théâtre, et professeur-documentaliste) à deux classes de 1ère STMG et 1ère STD2A, qui ne font pas « option théâtre » et qui se voient néanmoins « embarquées » dès le début de l’année scolaire dans une aventure insolite : pratiquer le théâtre chaque semaine, dès septembre jusqu’aux vacances de février, sur l’une des heures de français.
Côté enseignantes, c’est un désir commun de renouer avec le théâtre en milieu scolaire qui est à l’origine de cette entreprise, désir étroitement lié à l’envie de partager, de faire découvrir et d’amener ces classes à appréhender les pratiques théâtrales afin de leur dévoiler les joies du jeu et de la représentation scénique, mais aussi pour aborder différemment et donner une autre dimension aux œuvres et textes du programme. Car c’est bien là tout l’enjeu du projet : joindre l’utile à l’agréable, travailler autrement la compréhension, l’analyse de texte et tous les apprentissages littéraires associés en permettant aux élèves de se les approprier de façon vivante et créative ; tout en les préparant également, de manière ludique et active, aux situations d’oralité exigées lors de l’épreuve du bac de français.
Coté élèves, enthousiastes et volontaires dès les premières séances, les bénéfices sont nombreux : en termes de cohésion du groupe classe, de concentration et d’estime de soi tout d’abord, étant donné qu’une progression constante se révèle à ce niveau au fil des séances ; mais aussi en terme d’appropriation des textes puisque les lycéens se prennent progressivement au jeu, permettant aux écrits de devenir supports d’improvisations, d’interprétations et de mises en espace, avec les qualités d’intention de jeu, de posture et de prosodie qui vont de pair. Enfin, les apprentissages variés et progressifs proposés permettent aux deux classes de découvrir de nouveaux exercices, dont la finalité sert de point d’appui à une réflexion commune permettant d’optimiser assimilation et réinvestissement. Des temps de bilan viennent aussi réguler et jalonner ce parcours, à la suite desquels par exemple, il est collégialement convenu de travailler davantage les situations d’improvisation en petits groupes ou bien encore de consacrer quelques séances à la relaxation et à la gestion du stress.
Au terme du projet, c’est un menu complet, et à la carte, qui a été proposé, composé de divers exercices permettant de travailler : l’appropriation de l’espace, la perception corporelle, la perception et l’écoute de soi et de l’autre, la mise en mouvement et en rythme, la concentration et la mémorisation, la confiance individuelle et collective, la cohésion de groupe, les techniques de mise en voix, l’intention de jeu, l’improvisation, mais aussi la gestion du stress au moyen d’échauffements physiques et énergétiques, d’exercices respiratoires, de techniques de relaxation actives et/ou passives liées : à la synchronisation cérébrale (induites par les ondes alpha), à la cohérence cardiaque, aux massages détente aidés d’une balle en mousse. Autant d’outils qui, au-delà de l’expérience théâtrale collective, serviront à chacun.
Cette expérimentation s’achève par une expérience de projet de groupe : la « mise en espace » d’un extrait de texte choisi par les élèves, répartis par affinités. Tâche finale qui permet de réinvestir toutes les notions exploitées au cours de l’atelier, et qui en plus du jeu de l’acteur permet aux élèves de s’essayer à la mise en scène. Ainsi, pour prendre corps la « mise en espace » suppose que les élèves aient approfondi la compréhension de leur extrait, qu’ils proposent et définissent une situation de jeu relative à leur texte, brossent le caractère et les particularités des personnages qu’ils souhaitent incarner, choisissent un angle d’approche destiné à explorer et à valider un point de vue retenu qui s’appuie sur une réflexion commune, réaliste, argumentée, étayée par des pistes de travail qui sont expérimentées et consignées dans un carnet de mise en espace - spécialement conçu à cet effet - afin que ce cheminement soit retravaillé dans l’intervalle et affiné si besoin. Et, si les élèves sont, de prime abord, un peu décontenancés par cette dernière perspective de travail peu conventionnelle, l’idée de pouvoir solliciter leur imaginaire et leur inventivité sans autre limite exigée que celle de la vraisemblance et de la cohérence de jeu, les amène très rapidement à s’investir sans réserve et à faire des propositions théâtrales originales et abouties.
Ces dernières ne feront, cependant pas l’objet d’une représentation publique, conformément aux souhaits des « metteurs en scène en herbe » qui préfèrent l’entre soi et les jeux de scène à huis-clos interprétés simplement devant leurs camarades de classe.
Ici prend fin une aventure qui fut intense, palpitante et pleine d’agréables surprises… qui laisse, déjà, apprenants comme enseignantes, nostalgiques de ce temps « hors du temps » scolaire habituel, vécu par tous comme un « souffle vivifiant » qui permit de progresser autrement ensemble.
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Immersion et pratiques théâtrales par Catherine Gnuva